
Don Oscar devait prendre la parole pour le 17 Octobre au Palais National de la Culture au Guatemala. Ce n’est pas facile de parler devant des gens, surtout des personnes qui ont de grandes responsabilités mais aussi devant les autres familles qui, comme lui, ont une vie difficile, avec des journées rythmées par un travail dur, non reconnu et mal rémunéré. On peut se sentir menacé par ces « autres » qui bataillent aussi pour trouver de quoi vivre, de quoi donner une sécurité aux leurs, offrir une scolarité digne à leurs enfants pour leur épargner d’être toujours montrés du doigt. Les « autres » qui parfois viennent d’ailleurs, qui ont une autre culture. Tout d’un coup, quelqu’un lui a demandé : « si vous pouviez parler au monde entier, que diriez-vous ? » Don Oscar a alors répondu sans hésiter « Je dirais aux gens qui ont des moyens qu’il faut partager le travail, qu’ils peuvent nous faire confiance, que nous savons travailler dur, que nous voulons travailler et gagner notre vie dignement. » Voilà le cœur du message que voulait faire passer Don Oscar !
Comment faire une place à l’intelligence de chacun ? Dans cette Lettre aux Amis du Monde n°109, vous pourrez lire l’histoire de Sebastián qui nous interpelle sur la violence dont sont victimes les peuples indigènes au Brésil. La violence tue quand elle prend la forme des balles avec lesquelles un gouvernement réprime une contestation, elle tue aussi quand elle vise à effacer l’histoire d’un peuple ou qu’elle empêche des familles de transmettre à leurs enfants la mémoire de leur résistance aux humiliations. C’est la force du témoignage d’Annie, cette maman qui dit « Certes, on n’a rien mais on peut transmettre quelque chose ».
C’est comme un écho au séminaire de philosophie sociale (un projet de 3 ans avec des personnes ayant l’expérience de la pauvreté, des philosophes universitaires et des praticiens ayant des savoirs d’action) qui s’est conclu par un colloque à Paris les 9 et 10 décembre dernier. Il y était question de l’injustice de transmission, violence faite aux plus pauvres qui se voient empêchés lorsque leurs enfants sont placés, par exemple, de confier leurs luttes et leurs espoirs aux générations suivantes. Refuser à celles et ceux que nos sociétés laissent à la marge la légitimité de leurs savoirs d’expérience, c’est gommer un pan entier de l’Histoire et se priver d’une connaissance indispensable pour construire un monde sans misère.

Dans les chemins d’engagement partagés dans cette Lettre, on peut découvrir ce besoin que nous portons tous de bâtir autour de soi un monde plus accueillant, plus sain, plus joyeux. Nous pouvons aussi sentir que toute personne porte un message pour le monde. Un message qui transforme, qui permet de faire une place à chacun, qui enseigne à aimer la terre et ceux qui l’habitent. Mais est-ce que les voisins de Don Oscar trouvent les conditions et la paix pour pouvoir partager ce message ? Prendre réellement en compte la sensibilité de tous les êtres humains, l’intelligence et l’égale dignité de toute personne, cela nécessite de reconnaître les contributions des personnes en situation de pauvreté, se donner les moyens pour les voir, les accueillir, leur répondre.
Martin Kalisa
Délégation générale du Mouvement international ATD Quart Monde