« Mon secret est : avoir un groupe incroyable. C’est tout. Donnez-leur le sujet et laissez-les parler, parce qu’ils sont incroyables. »

Cet article est le premier d’une série sur la participation des personnes directement touchées par la pauvreté. Il met en lumière le processus de consultation pour choisir le thème de la Journée internationale pour l’élimination de la pauvreté, vu du point de vue d’un groupe à Kielce, en Pologne. Nous espérons qu’il inspirera les lecteurs et lectrices, y compris les membres du Forum, à organiser des efforts similaires. Ci-dessous, Paulina B. de Pologne partage l’expérience de son groupe local lors d’une interview en avril 2024.

Préparation initiale et planification

Au départ, lors de l’étape de planification à Varsovie, mes deux coéquipiers, Gosia et Kuba, et moi avons organisé une réunion des organisateurs pour établir un plan.

Nous avions diverses idées pour animer la réunion : veiller à ce que certaines personnes ne dominent pas la discussion tandis que d’autres ne parlent pas, envisager de faire travailler tout le monde individuellement avant de parler, laisser quelques minutes pour écrire ses réflexions, travailler en groupes ou en paires… Finalement, nous n’avons utilisé aucune de ces méthodes !

L’invitation, la formation et la dynamique du groupe, les réunions régulières

Pour la consultation, j’ai invité des personnes de Kielce avec qui je me réunissais régulièrement depuis un an. Au moment de la consultation, elles avaient déjà formé un groupe solide et cohésif, et nous avions établi une relation de confiance, ce qui a facilité l’invitation ainsi que la discussion du sujet.

Nous avons fait un effort supplémentaire pour nous assurer que les gens pouvaient assister à la réunion en organisant des transports pour ceux qui pouvaient rencontrer des difficultés pour y arriver, comme une personne avec un handicap physique.

« Il y a des amis parmi eux et en fait, la plupart d’entre eux viennent à chaque réunion. Ces réunions sont importantes pour eux, donc le processus d’invitation est facile : nous ne choisissons pas qui inviter, nous invitons simplement le groupe. »

Dans ce groupe, les participants avaient des niveaux d’expérience variés dans l’association, allant de quelques mois à vingt ans.

Un animation pour guider la discussion et gérer le temps

Lors de l’introduction, nous avons présenté le sujet et demandé des premières réflexions. Ce que nous avons partagé était une brève introduction dans laquelle nous avons dit : « Rappelez-vous que le 17 octobre a toujours un thème. Pour que le sujet soit choisi entre les deux proposés, des consultations sont organisées au préalable, et nous avons été invités à participer à ce processus. » Dire que cette consultation est pour un thème annoncé par l’ONU, je pense que cela a donné au processus un aspect plus sérieux et important.

Ce qui a facilité les choses, sans avoir besoin d’expliquer davantage, c’est que presque tout le monde avait déjà participé à une préparation pour le 17 octobre, ou à l’événement lui-même.

Maintenir la confiance, la sécurité et l’équilibre dans la discussion

La conversation s’est déroulée naturellement. Il y a eu une discussion vraiment engageante dans le groupe. Les choses qui me rendaient nerveuse – qu’une personne parle trop longtemps tandis qu’une autre ne parle pas du tout – ne se sont pas produites. En réalité, la discussion était plus équilibrée. Bien sûr, certaines personnes ont parlé plus que d’autres, mais je pense que tout le monde – ou presque tout le monde – a pris la parole, même ceux qui ne s’expriment pas beaucoup habituellement lors des réunions. J’ai juste aidé la discussion à se poursuivre de manière naturelle.

Lors de la réunion, j’étais l’animatrice principale. Gosia et Kuba écrivaient les idées sur de grandes feuilles de papier, que nous accrochions sur un tableau. Nous écrivions avec des marqueurs, pour que les gens puissent voir les idées exprimées. Je pense que c’était très utile. Et parfois, c’était même un travail de groupe pour trouver les mots afin de résumer une pensée. Mais nous avions ce temps pour nous assurer que nous l’écrivions de manière compréhensible et que c’était ce que la personne voulait dire.

Plutôt que d’enregistrer, nous avons décidé de noter les idées, pour créer une atmosphère de confiance et de liberté, nous avons convenu de ne pas enregistrer ce qu’ils ne voulaient pas que nous enregistrions. Il y avait une règle : si nous partageons quelque chose dans le groupe, cela reste dans le groupe.

Je pense que c’était agréable que les questions soient ouvertes et non trop spécifiques. Cela nous a aidés à créer un espace pour la discussion plutôt que de faire des interviews.

Adapter les méthodes aux contextes locaux et aux besoins individuels

Il n’y avait pas de travailleurs sociaux, surtout pas parmi ceux qui étaient présents lors de la réunion. Pour être honnête, si nous avions eu une personne en situation de pauvreté et un travailleur social responsable de fournir un soutien à cette personne, je pense qu’il aurait été presque impossible pour une personne ayant l’expérience de la pauvreté de s’exprimer. Et dans ce cas, je parlerais avec eux séparément.

Faire face aux défis des groupes plus grands, des jeux de pouvoir et des conflits

Parfois, il est plus facile de travailler en petits groupes : trois à six personnes vivant dans la pauvreté. À Kielce, nous en avions plus – un groupe d’une douzaine de personnes. C’est pourquoi nous avons envisagé de les diviser en petits groupes, mais comme je l’ai mentionné, cela ne s’est pas avéré nécessaire. Parfois, si vous avez des personnes en conflit, ou dans des situations où des travailleurs sociaux et des personnes vivant dans la pauvreté sont impliquées, et où ces dernières peuvent avoir peur d’eux, et si vous n’avez pas le temps pour un processus long et approfondi, je les séparerais en petits groupes. Parfois, il est bon d’utiliser certains outils, mais plus vous connaissez les gens, plus cela devient facile. Par exemple, une méthode consiste à réfléchir d’abord au sujet et à écrire vos idées, puis à faire un tour de table où chacun partage. Il est également souvent de la responsabilité de l’animateur ou de l’animatrice de fixer une limite de temps pour les interventions afin de veiller à ce que les gens ne s’interrompent pas les uns les autres.

L’importance de l’écoute active pour l’animation, et des retours de l’équipe du Forum

Autant j’ai ressenti que nous avions une excellente discussion à Kielce, où certaines choses n’auraient peut-être pas été dites si nous n’avions pas eu de réunion de groupe – parce que les gens se sont vraiment écoutés, ont répondu de manière réfléchie et se sont inspirés de ce qu’ils ont entendu – autant je sais que le groupe était assez grand pour rendre le fait de s’ouvrir aux autres plus difficile. Puisqu’il y avait aussi des personnes nouvelles, tout le monde n’a pas exprimé tout ce qu’il aurait pu dire. J’entretiens une relation avec chacun d’entre eux, et je sais qu’il y a des choses qu’ils ont choisi de ne pas partager.

Une fois que j’ai envoyé la contribution du groupe au Forum, nous avons reçu un retour positif que j’ai partagé avec le groupe. Je pouvais leur dire : « Votre contribution a été reconnue. Elle est prise en compte. » Je pense que c’était important et que les gens ont ressenti que leurs idées étaient valorisées et avaient un impact.

Les défis de la traduction et l’adaptation des méthodes de travail au contexte

« Bien sûr, les gens sont différents et je pense que dans chaque pays, à chaque endroit, la responsabilité de l’équipe est d’adapter ses méthodes aux personnes avec lesquelles elle travaille, aux réalités locales du pays, et au contexte des situations des personnes. »

En fait, je pense que ce qui est extrêmement important pour travailler dans n’importe quel pays, région ou communauté, c’est d’avoir des traductions claires des thèmes. Parfois, une explication plus longue est nécessaire si la traduction est floue.

Notre équipe a discuté de la manière de traduire les thèmes. Nous avons même eu des discussions sur certains mots dans la traduction. Pour moi, c’était plus facile lorsque j’ai reconnu une phrase du document sur les « Dimensions cachées de la pauvreté », et j’ai pensé : « Hé ! C’est ainsi que cela devrait être traduit. Nous avons déjà la traduction, donc ne la modifions pas ici, car si c’est une référence, les gens devraient la reconnaître. » Je pense que cela nous a facilité la tâche de disposer déjà d’une traduction en polonais.

En réalité, « Empowering futures… » a été difficile à traduire. Parfois, en Pologne, nous utilisons le mot anglais « empowerment« , par exemple dans les ONG, car nous n’avons pas de bonne traduction.

Simplifier notre communication tout en respectant la parole qui nous est confiée

Je pense aussi que si nous travaillons avec un groupe de personnes qui n’ont pas nécessairement une éducation formelle, nous devons utiliser un langage simple. Nous devons soit avoir un thème en mots simples, soit l’expliquer en termes simples, avec des mots qui ont vraiment du sens pour eux, et non simplement des mots qu’ils ont déjà entendus mais qu’ils ne comprennent pas vraiment.

Et ici, il y a un double piège que nous pourrions rencontrer en travaillant avec des personnes vivant dans la pauvreté. Soit les gens mettent par écrit leur interprétation de ce qui a été dit, ce qui peut être différent de ce que les personnes ont voulu dire, soit ils utilisent des citations exactes, qui parfois ne sont pas claires. Il est important de prendre le temps de vérifier avec la personne ce qu’elle voulait réellement dire et si elle est d’accord avec les mots que nous utilisons pour noter ses réflexions.

Je pense que ce serait mon conseil pour tout le monde : ne pas tomber dans ces deux pièges – modifier les mots des gens de manière à perdre leur sens original, ou citer exactement mais d’une manière qui n’est pas compréhensible.