En décembre 2021 Jacques Petidor, haitien, et militant des droits de la personne humaine nous a quittés. Quelques mois plus tard, en avril 2022, Miguel Angel Estrella, pianiste argentin de grande renommée et immense ami des pauvres dans le monde s’est étaint.

Tous les deux, anciens membres du Comité International 17 Octobre, ont contribué à faire avancer l’idée que la misère peut être éradiqué avec la contribution de chacun.

Jacques Petidor, une vie remplie des autres

Ceux qui ont rencontré Jacques Petidor, ne serait-ce qu’une seule fois, savent à quel point il était un ardent défenseur de la justice et de la fraternité. Nombreux sont ceux qui ont perçu dans son regard rieur et encourageant, cet appel à quelque chose de plus grand que soi. Car c’est de l’injustice qu’il a enduré dès son plus jeune âge qu’il a forgé sa conscience de militant des droits de la personne humaine.

Toute sa vie durant, Jacques travaille dur, ne cessant d’apprendre à ses deux écoles, celle de la vie et celle des érudits. Ces deux facettes de son savoir, il n’a eu de cesse de les partager, de même que ses multiples engagements.

Frère des humbles, ami des grands

Jacques était un rassembleur, un philosophe, respectueux de la culture profonde de son peuple. Il avait tenu à approfondir l’étude du créole, sa langue maternelle, et de ses subtilités. Il se passionnait d’ailleurs à traduire les textes de Joseph Wresinski pour les rendre accessibles au plus grand nombre.

Malgré tous les soubresauts de l’Histoire, Jacques est de ceux qui n’ont jamais abandonné le rêve de liberté et de justice, puisant ses racines profondes dans la révolte des esclaves en 1804 et la fondation de la République Haïtienne. Il était attentif à la vie politique et à l’action citoyenne et il avait une grande compréhension des réalités de son pays. L’écouter vous éclairait et vous donnait envie d’aimer Haïti.

Jacques a toujours été le frère des humbles et il savait, par sa sagesse et sa générosité, devenir l’ami des grands. Partout il était lui-même. Il accordait une grande importance au 17 octobre, journée mondiale du refus de la misère lancée en 1987 par Joseph Wresinski.

Il y voyait un espace d’éducation pour que les plus pauvres puissent s’approprier la lutte et en rester acteurs. C’est ainsi qu’il a accepté de siéger au Comité international du 17 octobre. Il a aussi pris la parole au siège de la Francophonie, à l’ONU, pour donner de la force au combat des familles acculées à la pauvreté par les injustices de la société.

Miguel Angel Estrella, l’exigence du partage

En 1988, Miguel Ángel Estrella, pianiste argentin de grande renommée et immense ami des pauvres dans le monde, donnait un concert au 140 rue de Ménilmontant, à Paris. Les habitants de ce quartier défavorisé, émus, assistaient au concert, certains depuis leurs fenêtres.

Ce fut une de ses premières rencontres avec ATD Quart Monde. De là, naîtra une estime profonde et durable entre les membres du Mouvement et ce très grand pianiste dont Nadia Boulanger disait qu’il était avant tout un poète. Il sera durant plusieurs années membre du Comité international de la Journée mondiale du refus de la misère. Dans cette lutte pour les Droits de l’Homme, il considérait les membres d’ATD Quart Monde comme des sœurs et des frères.

Il aimait raconter ce que lui avait dit un jour sa grand-mère : « Miguel, tu as reçu le don de la musique, si tu veux l’honorer, partage-le avec ceux qui en sont privés. »

Visite aux membres d’ATD Quart Monde à Cusco, Pérou

À la fin des années 1970, il est arrêté en Uruguay et torturé par la junte militaire au moment de la dictature en Argentine, son pays. Il est alors confronté à la réalité de milliers de personnes en Amérique Latine nommées Los desaparecidos (Les disparus). Dans sa traversée de la nuit, la musique a joué un rôle essentiel. Grâce à sa musique, des artistes de renom se sont mobilisés pour qu’il ait la vie sauve. Mais aussi, elle lui a permis de ne pas sombrer au plus fort de la souffrance. Il témoigne dans une vidéo de ce terrible épisode de sa vie.

À sa libération, le monde de la musique l’attend dans les grandes salles de concert, de New York à Paris. Miguel Ángel Estrella, gardant comme boussole les paroles de sa grand mère, préfère jouer dans les prisons et fonde Musique Espérance pour amener la musique dans les milieux les plus pauvres à travers le monde. Cet engagement radical lui a parfois valu des remarques humiliantes, comme si c’était pour lui une manière d’éviter de s’exposer au public des grandes salles et à la critique.