Les thèmes proposés étaient :
Thème 1 : Mieux reconstruire en brisant le cycle de la pauvreté intergénérationnelle.
Thème 2 : Construire ensemble un monde respectueux des personnes et de la planète
en mettant fin à la persistance de la pauvreté.
Thème finalement choisi avec l’ONU
Construire l’avenir ensemble : mettons fin à la pauvreté persistante en respectant toutes les personnes et notre planète
Suite à la Consultation sur le choix du Thème pour l’année 2021, le Forum du refus de la
misère a reçu 84 réponses, émanant soit de personnes individuelles, soit de groupes /
associations, ce qui correspond à 125 contributions. Derrière ces 125 contributions se
cachent donc même plus de 125 personnes…ces réponses représentent les contributions de
40 pays.
L’analyse des différentes réponses a mis en évidence l’importance de chaque terme employé : il est important d’utiliser des mots clairs, qui ne laissent la place à aucune interprétation susceptible d’en changer le sens général.
« Pauvreté intergénérationnelle » pourrait être mal compris et interprété, car le cercle de la pauvreté est déterminé, il n’y a pas de chances de vivre mieux et cela fait porter la responsabilité et une sorte de faute sur les parents envers leurs enfants. La « pauvreté persistante » est un terme plus large qui peut être davantage exploré avec les familles vivant dans la pauvreté, et ne signifie pas que la situation de pauvreté dans laquelle la famille se trouve se transmet automatiquement d’une génération à l’autre. ». (Tanzanie)
« Nous ne pouvons pas parler de RECONSTRUIRE un monde qui a été détruit, mais de le REIMAGINER et de le CONSTRUIRE ensuite. » (Guatemala)
« Je n’aime pas le langage violent « briser ». Je crains le malentendu de briser les liens intergénérationnels afin de briser le cycle de la pauvreté intergénérationnelle. » (Allemagne)
Thème 1 : Mieux reconstruire en brisant le cycle de la pauvreté intergénérationnelle
Un thème d’actualité
La COVID-19 touche tous partout dans le monde (c’est une pandémie), sans distinction de pays, de sexe, d’âge, de couleur de peau… Elle amplifie les inégalités existantes (difficultés de respect des mesures-barrières, difficulté de maintien de l’accès à l’éducation…) et aggrave la situation des plus vulnérables.
Le thème est très présent dans ce que vivent certaines familles actuellement – encore plus fort à cause des mesures en lien avec le coronavirus. Des parents qui n’ont plus le droit de voir leurs enfants en foyer, des enfants qui ont de la peine à suivre à l’école à cause d’un manque d’égalité de chances, etc…[…]. » (Suisse)
« Cette crise sanitaire liée à la COVID 19 a mis en exergue les inégalités existantes dans le monde et doit nous amener à changer notre façon d’être et de vivre. » (Burkina)
« après la COVID-19, le seuil de pauvreté a encore augmenté parce que les enfants n’ont pas étudié, les gens ne partaient pas au travail, plusieurs personnes ont perdu leurboulot, plusieurs pays ont fait une crise.» (RDC)
La discrimination existant envers les Enfants, les Jeunes, les Femmes et les Personnes les plus pauvres
Elle est amplifiée par la pandémie; on note également une recrudescence du racisme, qui se traduit parfois par une méfiance systématique entre les différents acteurs (patients, personnel soignant politiques). Il est indispensable d’augmenter le pouvoir d’agir des personnes discriminées, pour leur éviter une « double peine ».
« Beaucoup de décisions qui concernent les personnes en situation de pauvreté sont prises par d’autres (ex : institutions), souvent sans que les personnes ne soient associées. Cette dépossession du pouvoir d’agir n’est pas nouvelle mais, générations après générations, elle creuse les inégalités. Michelle Bachelet, Haut-Commissaire des Nations Unies aux Droits de l’Homme, explique d’ailleurs que « Ceux qui ont été laissés pour compte et rendus impuissants par une discrimination vieille de plusieurs générations ont systématiquement un accès inégal aux services et aux opportunités – notamment en matière d’éducation, de logement, d’assainissement, d’accès à l’emploi et à la justice, et pour ce qui est de participer aux décisions qui les concernent. Ils sont structurellement désavantagés face à toute menace ». (France)
« Pour casser le cercle de la pauvreté cela passe par l’éducation des filles. Les filles arrêtent trop tôt leur éducation et après elles se retrouvent mères. Des fois pour elles c’est difficile de gérer les comptes, de bien savoir lire, etc. Il faut encourager les filles d’aller plus loin dans leurs études. » (Mauritanie)
Les droits fondamentaux sont encore plus bafoués en période de pandémie.
Un certain nombre de réponses a touché la dimension de l’éducation, l’accès aux soins, le travail. Certaines de ces réponses portaient sur la façon dont la crise de la COVID-19 a forcé les jeunes à abandonner leurs études et la pauvreté numérique que de nombreuses personnes vivent.
« La semaine dernière, je me suis fait mal à la jambe, mais je n’ai pas pu passer de rayons X parce que je n’avais pas les moyens de faire le test COVID-19. » (Bolivie)
« Avec la pandémie, il y en a (des jeunes) qui ont abandonné leurs études, les parents ne pouvant pas les aider ». (Belgique)
« Pendant la crise de la pandémie, la faim a attaqué plusieurs familles, les enfants ne partaient pas à l’école et tout cela a été difficile pour ces familles. » (RDC)
Le rôle important de la famille pour se sortir de la pauvreté.
La solidarité intra-famille et entre membres d’une même communauté de même que la transmission des moyens de lutter contre la pauvreté (l’énergie, la résistance, la résilience, les valeurs…) permet de mieux supporter les conséquences de la pauvreté au quotidien.…
« Il y a un couple qui avait un enfant, le père est parti en voyage. Il a laissé sa femme avec l’enfant. L’enfant était à l’école. A l’école, on a demandé à ce que l’enfant vienne verser ses frais de scolarité. Chose que la maman ne pouvait pas faire: elle a demandé à son frère, de lui donner de l’argent pour qu’elle paye les frais de scolarité. Son frère lui a dit qu’il n’en était pas question… Et pour qu’il puisse lui donner l’argent, elle n’avait qu’à envoyer la carte grise de sa moto comme garantie. Une moto que le mari venait de payer pour sa femme. Elle a tourné à gauche, à droite, il n’y avait pas d’autre issue. Elle a donné la carte grise de sa moto à son propre frère pour prendre l’argent pour payer la scolarité de son enfant. Quand son mari est venu, il a remboursé l’argent, et récupéré la carte grise de la moto de sa femme. Aujourd’hui, l’enfant est en 7 ème année de médecine. » (Burkina Faso)
« D’un point de vue positif, soulever la question de la pauvreté intergénérationnelle est l’occasion d’approfondir les connaissances sur la manière dont les personnes en situation de pauvreté luttent, et sur la manière dont leurs parents ont lutté contre la pauvreté et l’extrême pauvreté. » (Bulgarie)
Une opportunité de changer le monde.
La survenance de cette pandémie de Covid-19 représente une réelle opportunité de changer le monde, d’aller de l’avant et de le construire différemment (et non de le reconstruire).
« Reconstruire » pourrait être compris comme « revenir à ce qui était avant », ce que personne ne souhaite, plus particulièrement les personnes en grande précarité. » (Uruguay)
« Quels sont les enseignements que nous tirons de cette pandémie pour briser le cycle de la pauvreté ? Quelles sont les leçons que nous pouvons tirer du passé pour construire un avenir qui ne laisse personne derrière ? » (Bulgarie)
Thème 2 : Construire ensemble un monde respectueux des personnes et de la planète en mettant fin à la persistance de la pauvreté.
Il ne faut pas oublier l’environnement malgré la pandémie.
Un certain nombre de réponses ont souligné l’urgence de la situation climatique et la façon dont elle aggrave la situation des personnes vivant dans l’extrême pauvreté.
« J’ai bien peur que concentrés sur la COVID-19, nous oublions les problèmes climatiques, environnementaux, politico-économiques et sociaux. » (Ile Maurice)
« La question climatique reste la plus préoccupante et urgente, car elle nous concerne tous sans exception. Il est sûr que la pandémie de la COVID-19 est là, on essaie de s’en sortir mais la question climatique reste troublante. » RDC
« On se fait « covider » le cerveau. À force de parler de la maladie, j’en suis tanné (exaspéré). Je veux m’éloigner du premier thème. » (Canada)
Les familles pauvres sont forcées de vivre dans des environnements dangereux et malsains.
Les pauvres sont aussi des victimes de la destruction de l’environnement, souvent oubliées par l’État et menacées d’être laissées pour compte. Certaines réponses ont souligné comment les pauvres sont exclus d’un mode de vie durable et risquent d’être blâmés pour des vies non durables.
« Au cours de notre programme de recherche « Les dimensions cachées de la pauvreté » et de notre expérience de travail au Bangladesh, nous avons observé directement comment le changement climatique et la dégradation de l’environnement peuvent conduire les gens vers le pire niveau de pauvreté et les rendre sans espoir. C’est un point sensible et important pour des pays comme le Bangladesh. » (Bangladesh)
« Il faut mettre les moyens pour que les gens gardent leurs terres, leur culture. Il faut que l’argent que l’on met pour lutter contre le dérèglement climatique aille aux plus défavorisés, sinon cette crise restera un accélérateur d’inégalités et d’injustices sociales. Par exemple, ce ne sont pas les plus défavorisés qui peuvent avoir accès à la prime pour acheter une voiture électrique. Et au bout du compte, les plus pauvres seront encore traités de pollueurs. » (France)
La question de la pauvreté persistante du Thème 1 est incluse dans le Thème 2 qui traite des questions environnementales et sociales.
« A l’occasion du 17 octobre 2020, Madame Marie avait dit : “Au village, mes parents m’ont élevée grâce à l’activité agricole. Cette activité me permet de nourrir et de scolariser mes enfants. J’ai donc hérité de toutes les techniques de mes parents. La saison dernière, je n’ai rien récolté sur notre terrain inondé par les eaux du Fleuve Congo. C’est pour cette raison que je suis venue semer du maïs et de la courge sur ce terrain de notre ONG. J’espère que nos récoltes seront abondantes et de très bonne qualité”. Comme Madame Marie, il existe encore en République Démocratique du Congo et dans d’autres pays du monde beaucoup de familles et de personnes qui héritent des activités précaires de leurs parents, leurs grands-parents, leurs arrière-grands-parents. Il est évident que de génération en génération, ces familles et ces personnes luttent pour changer leur vie mais, aussi longtemps que nos sociétés ne créent pas les conditions pour que ces familles et ces personnes s’en sortent, leur situation de précarité reste la même ou se détériore davantage à la moindre catastrophe environnementale ou sociale. » (RDC)
Continuité avec le Thème de 2020
Le Thème 1 pourrait alors être proposé pour les deux années 2022/2023, dans le cadre d’un processus de conservation du même thème sur deux (2) ans et non plus sur un (1). D’ailleurs il semble qu’il n’y ait pas eu assez de temps pour travailler ce vaste thème en 2020 à cause de la crise du COVID.
« Ce thème nous permettra, dans nos organisations, d’approfondir l’écologie humaine que nous avons entreprise en emboîtant les idées qui s’intéressent aux sociétés humaines dans leurs liens avec leurs milieux de vie.» (Rwanda)
« J’aime beaucoup le fait d’insister sur le respect des Personnes et le respect de la Terre. Ce sont des notions qui, à mon sens, ont besoin d’être dites et redites, car ça ne va pas forcément de soi de parler des deux à côté. » (Belgique)
« Il est important de se mobiliser pour que la voix des personnes qui vivent dans la pauvreté et qui font également face aux conséquences des changements climatiques et environnementaux soit entendue et que leurs expériences et efforts soient reconnus. » (Algérie)
Travailler sur le changement climatique, l’environnement et la violence pour éviter l’impact sur les générations futures.
Ces trois actions sont indissociablement liées et permettront de diminuer l’impact de la pauvreté sur les générations futures.
« Plus la planète se réchauffe, plus il y aura des personnes qui vont fuir leurs terres, leur pays. Toutes ces personnes se retrouveront sans rien. Si on ne fait pas attention à cela, nous aurons des centaines de personnes qui vont mourir de faim, de soif, donc cela touche l’humanité, la dignité humaine. Et qui dit fuite de nos terres, de nos lieux, dit aussi violence entre les hommes. Il faut développer des solutions de solidarité, d’accueil… ». (France)
La solidarité humaine liée à la protection de l’environnement contribuera à l’éradication de la pauvreté.
« Nous avons la terre comme étant un patrimoine universel (commun) à sauvegarder, nous dégageons une sorte de solidarité commune pour la protection des personnes et de la planète, on aboutira automatiquement à l’éradication de la pauvreté. Le thème fait appel à une sorte de quiétude d’esprit chez tous les colocataires de la planète terre (les humains) donc en mettant fin à la persistance de la pauvreté, la terre tournera plus juste. » (Haïti)
Les droits fondamentaux pour tous doivent rester au cœur de la réflexion.
Certains répondants ont souligné la discrimination contre certains groupes de personnes. Les immigrants sont considérés comme des parias. La mort et les insultes du personnel hospitalier envers une femme autochtone au Canada mettent en lumière la discrimination systémique contre certains groupes de personnes. La discrimination contre les pauvres est également systémique et toutes les formes de discrimination doivent cesser. Il faut affirmer l’égal dignité
« Nous ne devons pas nous discriminer entre nous. On ne connaît pas le désespoir de chacun. » (Canada)
« On ne peut pas dire que nous combattons la pauvreté sans qu’il y ait une justice équitable et sans une planète qui permet à chacun d’y vivre bon. » (RDC)
« Dans ma communauté, nous n’avons pas de droits fondamentaux, nous n’avons pas accès à un environnement sain. Parfois, nous avons le sentiment que l’État nous oublie.» Pérou
L’éducation pour sortir de la pauvreté.
L’importance de l’accès à l’éducation, non seulement aux niveaux primaire et secondaire, mais aussi à l’enseignement supérieur ou professionnel, a été soulignée comme un moyen de sortir de la pauvreté persistante. L’accent a été mis sur l’éducation des filles. Les filles terminent leur éducation trop tôt et il faut les encourager à aller aussi loin et aussi haut que possible dans leurs études.
« Le plus important serait d’être tous éduqués à conserver et à rendre notre environnement plus pur, plus sain et en notre faveur. L’éducation nous permet également de parvenir à la justice sociale, de surmonter la discrimination et d’apprendre à nous mettre à la place des autres et à nous respecter, à respecter les droits de l’homme. Je sais que c’est du long terme, mais si nous améliorons notre environnement, notre éducation et mettons fin à la discrimination, il y aurait un grand changement pour tout le monde et les relations et les emplois s’amélioreraient, nous nous aiderions tous les uns les autres et ce serait différent. » (Bolivie)
« Dans mon pays, la pauvreté pourrait être éradiquée grâce à l’éducation, à l’autonomisation, à un meilleur environnement, etc… » (Nigéria)
Ce thème est rassembleur car il est au cœur du combat de beaucoup d’autres organisations: c’est un thème d’action.
« Le thème 2 peut élargir à de nouvelles perspectives, toucher de nouvelles personnes ou permettre de collaborer avec des associations militantes écologiques avec lesquelles nous avons pour l’instant peu de contacts. Ce thème pourrait toucher plus de gens. » (Suisse)
« On travaille sur l’alimentation, sur la plantation des légumes, diversification de la nourriture. » (Mauritanie)
Les personnes sont des agents incontournables du changement.
Les personnes vivant dans la pauvreté devraient avoir leur place dans les processus de prise de décision et la lutte contre la destruction de l’environnement ne doit pas se limiter à la responsabilité et à l’expertise des écologistes, mais s’appliquer à tous.
« Au-delà de briser la honte, les familles ont le courage, l’engagement et la détermination à sortir du silence pour de dire NON à la pauvreté. de ce fait, n’est pas les donner une place sur la prise des décisions au niveau national, régional et international sur des questions comme la pauvreté où le changement climatique est un non-respect de la dignité humaine. » (Burundi)
« promouvoir une justice qui défende l’écologie intégrale et culturelle. Aussi pour sauver la sagesse de nos gens qui travaillent dans les champs. Ils ont tellement de connaissances. » (Bolivie)
« Les jeunes ont leur mot à dire sur la question de l’environnement et de la protection de la planète. Parce que la destruction de la planète les affecte directement. » (Ile Maurice)