Prise de parole d'habitants de Bezons sur le lien entre la commémoration du 17 octobre 1961 et la Journée Mondiale du Refus de la Misère
Le lundi 17 octobre 2011
Introduction:Le 17 octobre 1987, devant 100.000 personnes, Joseph WRESINSKI, le fondateur du Mouvement ATD Quart Monde, inaugurait au Trocadéro, sur le parvis des Libertés et des Droits de l’Homme, une Dalle en mémoire des victimes de la faim, de l’ignorance et de la violence.
Cette date est à l’origine de la Journée Mondiale du Refus de la Misère qui a été reconnue par l’ONU en 1992 et qui est maintenant célébrée partout dans le monde. L’esprit de la journée se fonde sur la phrase gravée sur cette Dalle :
« Là où des hommes sont condamnés à vivre dans la misère, les droits de l’homme sont violés. S’unir pour les faire respecter est un devoir sacré. »
Père Joseph WRESINSKI
Par un hasard de calendrier, la journée mondiale du refus de la misère a lieu le jour de la commémoration du 17 octobre 1961. A première vue, ces événements semblent éloignés l’un de l’autre et pourtant.
Monsieur B:
Le 17 octobre 1961, j’avais 8 ans et je vivais déjà à Bezons avec mes parents. Mes souvenirs sont confus, mais je me rappelle de mon père qui nous demandait de ne plus sortir de chez nous après 18 heures, à cause du couvre-feu. J’avais de la famille qui habitait les bidonvilles d’Houilles et de Nanterre. Même s’ils avaient du travail, ils vivaient dans des abris de fortune, dans des conditions misérables.
Le 17 octobre 1961, les Algériens ont voulu exprimer pacifiquement pour dire halte aux discriminations, aux rafles, aux ratonnades, mais aussi à la misère subie.
50 ans après, je n’arrive pas à comprendre pourquoi la France et l’Algérie n’arrivent toujours pas à se réconcilier et à construire un avenir commun, sans pour autant oublier ce qui s’est passé. Après d’énormes déchirures, d’autres peuples ont réussi à marcher ensemble, alors pourquoi ne pas y parvenir nous aussi ?
Pour moi, il y a des points communs entre le 17 octobre 1961 et la Journée Mondiale du Refus de la Misère. En effet, il s’agit de deux combats pour la liberté, le bien-être, la volonté de vivre décemment et le refus de la violence subie. La misère génère aussi une violence. Par exemple quand après une vie de travail, on se retrouve sans emploi et pas assez d’argent pour manger, payer son loyer et faire vivre sa famille.
Par ailleurs, le 17 octobre 1961 et la Journée Mondiale du Refus de la Misère sont deux manifestations pacifiques, mais il n’empêche que tout en étant pacifiques, elles portent en elles une forme de violence car en exprimant son refus, quelque part, cela est perçu comme une provocation par les personnes qui nous contraignent à vivre dans de telles conditions.
Mme Z :
Avant l’Indépendance, les Algériens sont venus en France pour chercher du travail et pouvoir vivre, mais ils n’étaient pas traités correctement. Aujourd’hui encore, qu’ils viennent d’Algérie, des autres pays du Maghreb, d’Afrique noire ou d’ailleurs, les migrants viennent en Europe dans un but précis : gagner de l’argent en travaillant et faire vivre leur famille, mais ils ne sont pas acceptés, ni reconnus.
Quand nous sommes sans papier, nous vivons comme des chiens. Pourquoi refuse-t-on de nous aider en nous régularisant ?
Les gens qui nous voient n’imaginent pas comment nous vivons. Les conditions que nous subissons sont un harcèlement permanent ; nous sommes angoissés dès que nous sortons car nous avons peur des contrôles de police et d’être arrêtés.
On nous dit sans cesse d’attendre pour obtenir nos papiers, mais en attendant, nous n’avons pas le droit de travailler et sans travail, pas de logement, ni de ressources pour vivre dignement. Combien de temps devons-nous attendre ?
Combien de temps devons-nous encore subir tout cela ?
Nous subissons une violence pour pouvoir survivre dans ces conditions ; cette vie doit s’arrêter.
Plusieurs fois, j’ai été sollicitée pour un emploi, mais quand il prenait connaissance de ma situation, le patron était désolé car il ne pouvait pas m’embaucher. A chaque fois, je suis repartie en pleurs…
Heureusement, grâce à la générosité d’associations ou de certaines personnes, nous avons la chance de pouvoir manger et parfois, de dormir, mais les gens qui nous dépannent peuvent s’en lasser. Surtout quand notre situation s’éternise de plus en plus et que personne ne peut dire quand elle prendra fin. De plus, je ne veux pas rester dépendante de l’assistanat.
J’aspire à vivre comme tous les Français : travailler pour pouvoir vivre par moi-même, payer mes impôts, avoir mon logement, pouvoir faire du bénévolat, pouvoir m’exprimer comme je le veux … ETRE LIBRE. !
Pour moi, être libre, c’est avoir ses papiers et pouvoir agir comme tous les utres citoyens. On est comme eux, alors pourquoi nous faire endurer cette vie ? C’est indigne.